lundi 27 janvier 2014

JE MARCHE DANS LA NUIT PAR UN CHEMIN MAUVAIS

  ÉMOUVANTE QUÊTE IDENTITAIRE

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UN ADO EN MANQUE DE REPÈRE

"Un adolescent à la dérive est envoyé chez son grand-père, à la campagne, pour être remis sur le droit chemin. Naturellement, entre ce garçon révolté qui n'a pas vingt ans et l'octogénaire taiseux, la relation, dans une maison isolée, est houleuse et faite d'incompréhensions. Il faudra des semaines de conflit pour que l'un et l'autre s'apprivoisent et qu'une complicité commence à naître." (source : La Nacelle)

Avec cette nouvelle création la Compagnie MADANI continue son exploration de la passation du savoir entre les générations et de la quête identitaire. Gus est un adolescent en mal de repères, sans présent, sans futur. En conflit avec ses parents - un père absent car absorbé par son travail et une mère qui fait ce qu'elle peut pour élever ses enfants - il entre en rébellion "le lycée ça me saoule. Bosser chez Mac Do ça me saoule. Ma mère me saoule. Mon père me saoule. Ma soeur me saoule. Je veux qu'on m'oublie". Projeté dans l'univers de son grand-père, loin de ses repères et privé des outils de communication de son quotidien il va se reconstruire et découvrir qui il est, qui sont réellement les membres de sa famille, leur histoire, et s'inscrire dans leur lignée. Quand au grand-père, cette nouvelle relation avec son petit-fils va lui permettre de se libérer d'un lourd secret qu'il a enfermé au fond de lui depuis la guerre d'Algérie, et de trouver la paix.

RENCONTRE DE DEUX SOLITUDES

La pièce s'ouvre sur la découverte par l'adolescent du corps inanimé de son grand-père. La suite de la pièce est un long flash-back qui reprend l'histoire au moment où Gus arrive chez Pierre, son aïeul, après une violente dispute avec son père. Gus est en rupture avec la société, avec l'école, avec ses parents. Il ne trouve pas sa place dans ce monde. Il connait finalement à peine ce parent qui vit seul depuis la perte de sa femme. L'un vit à l'heure d'internet, de la 4G, des jeux vidéos. Tout va vite. L'autre vit au rythme de la nature, de la campagne, du passé, du calme. Il va leur falloir ajuster leurs rythmes pour pouvoir communiquer, se comprendre et s'aimer. Les différences de temps entre les deux générations se retrouvent dans le texte mais aussi dans les mouvements, la gestuelle (notamment la démarche du grand-père que j'ai adoré). Ces deux êtres esseulés, l'un dans l'incompréhension et le manque de communication avec ses parents, l'autre dans son chagrin et dans passé et son secret inavouable, vont devoir apprendre à vivre ensemble et à s'écouter.
Gus se retrouve perdu dans cette petite ville normande, loin de tout ce qui fait sa vie. Une punition qui sera une résurrection. En acceptant petit à petit les contraintes imposées par son aîné, Gus va permettre à ce dernier de lui parler de son histoire. En débroussaillant le jardin il va lui-même débroussailler sa vie, celle des ses ancêtres, découvrir d'où il vient et finir par trouver sa voie. Par petites touches le grand-père va distiller ce lourd passé qui lui pèse tant depuis si longtemps et sur lequel il ne s'est jamais complètement exprimé. Au jeune en révolte l’aïeul va raconter comment on lui a confisqué sa jeunesse en l'envoyant faire la guerre en Algérie et comment depuis il vit avec ses images enfouies au fond de sa mémoire.

SOBRIÉTÉ ET SINCÉRITÉ

Si la mise en place des personnages est un peu caricaturale on rentre très vite dans la sincérité et l'authenticité. Il y a une grande complicité et un grand respect entre les deux comédiens Vincent DEDIENNE (Gus) et Yves GRAFFEY (Pierre). Il y a un bon dosage entre humour et moments dramatiques. Les deux comédiens sont très justes et font preuve d'un jeu d'une très grande sensibilité. Ils nous touchent l'un comme l'autre par leur mal-être, leurs frustrations, leurs douleurs. L'écriture qui mêle dialogue et adresse directe au public par laquelle le personnage exprime son ressenti intérieur nous intègre complètement à leur histoire. Ils ne se contentent pas de la jouer, ils la partagent avec nous. Comme dans "Illuminations" la guerre d'Algérie est traitée d'une manière factuelle, sans jugement. Cette fois-ci c'est la vision du soldat français qui est mise en lumière.

La scénographie de Raymond SARTI, le son de Christophe SECHET et la mise en lumière de Damien KLEIN servent avec sobriété et efficacité la mise en  scène d'Ahmed MADANI.

La Compagnie MADANI nous raconte avec brio cette histoire de rédemption. Faisons abstraction de deux ou trois maladresses (c'est une création et une première) l'ensemble est un très beau moment, une belle histoire d'amour, de famille, universelle et unique en même temps. Ce sont deux êtres humains, avec leur forces et leurs faiblesse, leur charme, leur humour, leurs joies et leurs peines. Ils ont vécu la même quête d'amour, par des moyens détournés. Certains regretterons les aspects caricaturaux. Il faut vite passer dessus pour laisser parler l'émotion.

En bref : Un texte porteur d'espoir et de tolérance qui mérite d'être entendu par toutes les générations  
"Je marche dans la nuit par un chemin mauvais
Ignorant d'où je viens et où je vais,
Et je rappelle en vain ma jeunesse écoulée
Comme l'eau du torrent dans sa source troublée."
Alphonse de Lamartine
Nouvelles Médiations Poétique 

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

C'était le 11 janvier 2014 à La Nacelle Aubergenville (78)

Toutes les dates de la tournée 2013/2014 :
10 et 11 janvier 2014 - La Nacelle / Aubergenville
du 20 au 30 janvier - La Comédie de Picardie / Amiens
du 3 au 8 février - La Comédie de Picardie en décentralisation
13 et 14 Février - Quai des Arts / Argentan
du 3 au 8 mars - ECM Le Chaplin / Mantes la Jolie
du 14 mars au 13 avril - Théâtre de la Tempête / Paris
17 - 18 avril - Opéra Théâtre / Saint Etienne
du 28 au 30 avril : Théâtre Eurydice / Plaisir
Juillet ou août : tournée CCAS


 

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