dimanche 3 janvier 2016

A TORT ET A RAISON

AFFRONTEMENT MAGISTRAL

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L'ART ET LE POLITIQUE

Nous sommes à Berlin en 1946. A Nuremberg alliés jugent les dignitaires nazis. Dans le reste de l'Europe qui n'est plus occupée par les hommes d'Hitler, on a soif de justice. Les forces alliées ont engagé une vaste campagne de "dénazification". Le commandant américain Steve Arnold a pour mission d'instruire le dossier du futur procés du chef d'orchestre Wilhem FURTWANGLER qui continua à diriger la Philarmonie et est suspecté de fraternisation avec Hitler. Pourtant nombreux sont ceux qui témoignent de l'aide apportée aux juifs par l'illustre artiste. A-t-il eu tort ou raison de vouloir rester neutre au non de la défense de la musique ? A-t-on tort ou raison de l'accuser de collusion avec le dictateur pour lui avoir serré la main ? Quelle position l'artiste peut-il / doit-il adopter face à la barbarie ? 


Afficher l'image d'origineLe thème des rapports entre les milieux artistiques et le nazisme a été traité à plusieurs reprises par Ronald HARWOOD, tant au théâtre qu'au cinéma (cf. Le pianiste). Dans COLLABORATION c'est sous l'angle du travail en commun des deux grands artistes qu'étaient Richard STRAUSS et Stefan ZWEIG. Avec A TORT ET A RAISON c'est la confrontation entre un artiste et justice des vainqueurs qui est mise en scène.


Pour écrire sa pièce R. HARWOOD a utilisé comme source le journal de Wilhem FURTWANGLERL'action se déroule sur plusieurs mois en 1946. Le chef d'orchestre , dont on disait que le talent dépassait celui de TOSCANINI, est interdit d'intervention publique et donc d'exercice de son métier, tant qu'il n'a pas été entendu et jugé par la commission alliée de dénazification des artistes. Pourquoi a-t-il serré la main d'Hitler ? Pourquoi a-t-il dirigé l'orchestre pour l'anniversaire du leader nazi ? Pourquoi est-il resté à son poste si ce n'est parce qu'il a bénéficié des faveurs du régime ? Le Commandant ARNOLD est persuadé d'avoir trouvé la seule question à laquelle le grand homme ne pourra répondre sans avouer sa collaboration avec les nazis.

UN DUO IMPRESSIONNANT

Dans la première adaptation en français en 1999 Michel BOUQUET tenait déjà le rôle du chef d'orchestre et faisait face à Claude BRASSEUR. Dans cette nouvelle production c'est Francis LOMBRAIL qui s'oppose à l'artiste.

Celui-ci  excelle dans le rôle de l'accusateur désigné par les forces allées victorieuses. Il incarne à merveille cet ancien agent d'assurance qui ne connait rien de FURTWANGLER, raison pour laquelle il se voit confié cette mission. Il est persuadé qu'il saura confondre celui qu'il considère comme un traitre. Par son jeu il donne du rythme au spectacle. On est convaincu par ce soldat de circonstance bouleversé par les visions d'horreur des camps de concentration quelques jours après leur libération. Cette expérience nourrit son enquête de mise en accusation, son acharnement contre le vieil homme, cette agressivité qui choque Emmi STRAUBE, l'assistante du commandant (Margaux Van Den PLAS à la présence justement effacée et volontaire) et le jeune lieutenant David WILLS (Damien ZANOKI, fougueux, précis, dynamique et passionné), tous deux profonds admirateurs du chef d'orchestre. 


Michel BOUQUET fait à nouveau preuve de son immense talent. Et ce n'est pas lui faire injure  que de dire que malgré son âge (90 ans) il reste une présence scénique qui en impose tout en se glissant parfaitement dans la mise en scène à la fois classique et statique de Georges WERLER. Lorsqu'il entre en scène ce n'est pas seulement le grand FURSTWANGLER qui entre, c'est aussi toute l'aura artistique de son interprète, ce qui donne aussi le sentiment de figer le temps ou de ralentir le mouvement, offrant un contraste avec le bouillonnant, colérique et bourru Steve ARNOLD / Francis LOMBRAIL. Au militaire qui ne comprend pas et ne pardonne pas la neutralité il oppose la force et la sérénité de celui qui est sûr de son droit et n'accorde à personne le droit de le juger.



On se demande comme Steve ARNOLD si la défense de l'art permet toutes les compromissions et autorise la neutralité ? Des deux points de vue lequel a tort et lequel à raison ? Ronald HARWOOD n'impose aucune réponse et laisse au spectateur la possibilité de décider par lui-même.


En bref : A TORTS ET A RAISON est un beau moment de théâtre porté par deux grands comédiens qui interpelle le spectateur sur le rôle de l'artiste face au pouvoir politique et pose l'éternelle question : à sa place qu'aurions-nous fait ?

C'EST OU ? C'EST QUAND ?


78 Bis Boulevard des Batignolles 75017 Paris


du mercredi au samdei à 21h - matinée le dimanche à 17h

A partir du 23 décembre 2015

Crédit photo @Lot


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