lundi 1 juin 2015

LILIOM

LES RÊVES PERDUS DES ANGES DÉCHUS
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IL ETAIT UNE FOIS UN BONIMENTEUR

Ça commence dans une fête foraine un brin pouilleuse, tristounette malgré les lumières colorées qui contrastent avec le teint blafard des personnages et la musique faussement entraînante. Les petites bonniches viennent ici à l'orée de la forêt traîner leur langueur de gamine. Elles qui sont au plus bas de l'échelle sociale n'ont pas eu le temps d'apprendre à s'amuser et viennent à la fête pendant leurs rares heures de liberté, en quête d'un peu de joie. Pourtant les mots "rêve" et "espoir" sont vite oubliés pour les ramener à la réalité de leur condition. Mais il y a LILIOM, ce bonimenteur à qui on donne du "Monsieur" mais qui ne vaut guère plus que le baratin qu'il déballe pour attirer le chaland et remplir les caisses de Mme Muscat.

L'amour pourrait-il éclore et apporter un peu de joie dans cet univers gris comme un ciel d'orage? Julie et Liliom eux-mêmes ont du mal à se nourrir de ce beau sentiment qu'ils retiennent comme si l'espoir leur état à jamais interdit. Tellement interdit que l'annonce de l'arrivée d'un enfant et de son innocence ne fait que pousser Liliom vers un abîme de doutes et d'erreur dont il ne se relèvera pas. Il est comme pris au piège de cet amour sincère. Elle reste figée sa frustration et son adoration. L'enfer est pavé de bonnes intentions mais comment reconnaître le bonheur ou sa possibilité quand il vous a toujours été refusé?

COMME DANS UN RÊVE


La beauté de l'histoire écrite par Ferenc MOLNAR réside dans la simplicité des mots et des situations. Liliom, ce petit bon à rien de banlieue, incapable de trouver du travail et refusant celui de concierge, n'est pas digne de fonder une famille. Se sentant piégé par cet amour qu'il ressent comme une faiblesse qu'il faut taire, il se réfugie dans la violence. Conscient de son incapacité à rendre heureuse celle qu'il a choisie il va jusqu'à la battre. Et lorsque à la fin il aura une chance de corriger ses erreurs il semble n'avoir d'autre capacité que celle de retomber dans ses travers.

La mise en scène de Jean BELLORINI magnifie le texte de Ferenc MOLNAR. L'ambiance de fête foraine, l'univers musical avec les musiciens présents sur scène et jouant en live (ce qui était déjà présent dans La Bonne Ame du Se-Tchouan), les numéros de clown et de ventriloque des policiers créent une distanciation par rapport au drame. Une atmosphère et une direction d'acteurs qui donne une version sentimentale de ce texte. La critique sociale est traitée en second plan et se retrouve surtout dans l'évolution de Marie, l'amie de Julie et de son mari Balthazar qui s'élèveront au rang de patron commerçant et adopteront le vouvoiement.

Baignant dans une lumière extrêmement soignée l'histoire oscille entre rêve et réalité. Jusqu'à la scène finale, vision d'une fin idéale en contraste avec la  réalité énoncée en voix off. Le burlesque des policiers et des inspecteurs du ciel contraste avec la poésie et la mélancolie de l'histoire.

UNE JEUNE TROUPE VOLONTAIRE

Clara MAYER est une Julie entière, qui ne cède rien avec son caractère bien trempé qui pourrait passer pour froid mais semble constamment sur le fil pour ne pas se laisser broyer par cette tendresse qu'elle ressent pour Liliom. Julien BOUANICH donne à celui-ci beaucoup de fragilité. Son regard perdu et son maquillage lui donnent un petit air de Charlie Chaplin du temps de Charlot, avec un mélange de rage et de désespoir. Un jeu qui m'a paru parfois une peu fragile, avec des instants de faiblesse qui font parfois douter de la sincérité de son amour pour Julie au point qu'il m'a parfois paru plus piégé par la situation que par ses sentiments. 


Autour d'eux gravite une bande de personnages hétéroclites. Parmi eux Delphine COTTU est touchante en couguar jalouse et éconduite qui s'accroche désespérément à ce beau jeune homme auquel elle pourrait tout pardonner. Amandine CALSAT est tout aussi juste quand elle est une jeune bonniche rêveuse que lorsqu'elle s'est transformée en néo-bourgeoise. Quant à Julien CIGANA et Teddy MELIS ils sont d'irrésistibles clowns notamment dans leur faux numéro de ventriloque.



En bref : Pour son premier spectacle monté à son arrivée au TGP de Saint Denis, et repris à l'Odéon Jean BELLORINI nous offre une mise en scène féerique de cette histoire d'un vaurien de banlieue. Un spectacle à la fois magique et troublant comme un rêve éveillé. Du très beau théâtre et une grande émotion.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

1 Rue André Suarès / Angle Boulevard Berthier 75017 Paris
Métro et RER C Porte de Clichy
Du 28 mai au 28 juin 2015 - 20h00
Durée : 2h00 


Crédit photo @Pierre Dolzani

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