jeudi 15 janvier 2015

REPETITION

QUAND UN CERCLE SE ROMPT

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IMPLOSION D'UN QUATUOR

Ils sont 4. Comédiens et metteur en scène. Réunis pour une répétition d'un spectacle qui pourrait être l'aboutissement de 20 ans de travail en commun. Mais l'une d'entre eux prend la parole. Sans que rien ne semble l'avoir annoncé elle fait part de sa décision de quitter le groupe, "La Structure" qu'ils ont ont créé ensemble, lorsqu'ils étaient jeunes. Dès lors le groupe explose, chacun livrant à tour de rôle son ressenti.

Après "CLOTURE DE L'AMOUR" qui explorait la rupture au sein du couple Pascal RAMBERT met en scène la rupture au sein d'un groupe. Construit sur le même principe le spectacle est une succession de quatre monologues. C'est Audrey BONNET qui ouvre le tir. Parce que Denis échangé un regard avec Emmanuelle, par ce que ce regard laisse paraître de l'intimité entre les deux, Audrey décide de rompre le lien qui les lie tous les quatre. Parce que ce regard est l'expression d'une trahison. Parce qu'il remet en cause tout ce qui faisait leur unité. Parce qu'il réduit à néant les souvenirs de ce voyage sur les traces de Staline qui est à l'origine du travail qu'ils s’apprêtent à finir, cette pièce qui parle de désir de changer le monde. Parce que ce regard sonne le glas des espoirs et des rêves qu'ils avaient fait ensemble lorsqu'ils étaient jeune et révoltés. Parce que ce regard fait le constat de leur échec commun. Parce que ce regard plus qu'un prétexte est l'étincelle qui fait voler en éclat le vernis qui s'est craquelé au fil des années et laisse exploser les non-dits et les frustrations retenus pendant toutes ses années.


DENSITE DU TEXTE

Pascal RAMBERT parle d'un univers qu'il connait très bien, celui du théâtre, Et de fait la pièce s'adresse à un public que l'on pourrait qualifier d'averti, pas à un public populaire. La scénographie de Daniel JANNETEAU situe la scène dans un lieu des plus inconfortables pour une troupe de théâtre : un gymnase, avec ses lignes droites au sol, celles qui limitent et fixent les règles des déplacements des joueurs, comme en opposition avec l'éclatement des codes de "La Structure" et du groupe, avec sa lumière crue qui inonde les quatre personnages dont les pensées jusqu'aux plus intimes sont mises à jour sous l'impulsion d'Audrey. Mais si RAMBERT s'appuie sur le théâtre et ses références, il les fait parler de la vie. Audrey lance le débat (car il me semble que cela reste un débat même si les quatre ne se répondent pas directement en utilisant la forme classique et simple du dialogue). Elle les interpelle sur le sens de ce qu'ils font, de ce qu'ils sont, tout comme elle interpelle Denis sur le sens de la mise en scène de cette biographie de Staline qu'il a prétendument écrite et du récit lui-même. Emmanuelle rebondit sur le registre du désir, de l'amour, répondant à l'esprit par le charnel. Denis dissèque le rôle de l'écrivain, le vide et Stan clos le débat par un constat d'échec d'une génération qui passe le flambeau à la suivante.


De ce texte d'une grande densité, comme c'était déjà le cas dans "La clôture de l'amour", émane des interrogations. Le rythme du phrasé si particulier, ses ruptures (pour moi un peu trop accentuées chez Audrey BONNET et beaucoup plus fluides bien que clairement présentes chez ses trois partenaires), ses répétitions pour mieux insister sur le propos, tout marque l'empreinte de RAMBERT (qui m'a parfois donner l'impression de tourner en rond notamment sur la question de la rupture dans le domaine du couple). Lorsque le dernier mot, le dernier cri, le dernier appel de Stan s'est envolé, il nous laisse sinon chamboulé tout au moins loin d'être indifférent. 

Et c'est peut-être dans ce dernier appel que je trouve la limite qui m'empêchera de mettre 5 étoiles à cet article. Le quatrième monologue a pour moi sonné à part. S'il répond aux trois autres en partie il part dans des envolées qui m'ont été dissonantes. Pourquoi ce groupe qui est loin d'être à la fin de sa vie baisse-t-il les bras si facilement. Ils font un constat d'échec de leur expérience sur 20 ans. Mais leur vie se limite-t-elle à ces 20 ans ? Qu'est-ce qui les empêche de continuer le combat sous une autre forme, seul ou avec de nouveaux partenaires ? Pourquoi invectiver si énergiquement une jeunesse à laquelle il veut transmettre la torche du combat ? J'aurai aimé avoir le ressenti des lycéens qui étaient présents dans le public ce soir-là. Il m'a manqué le moment, le lien entre la démarche isolée de ce groupe et la manière dont il s'inscrit dans l'histoire universelle. Peut-être le trouverai-je en relisant le texte.


LA FORCE DE LA GESTUELLE

Répétition - Pascal Rambert
Qu'ils soient debout, couchés, parlant ou muets, il y a dans la mise en scène une force du geste. Car le théâtre de RAMBERT ne s'exprime pas que par les mots mais aussi par le silence des corps. Les quatre comédiens sont imprégnés de leur texte. Leur émotion est palpable. Dans leurs silences. Dans leur écoute. Dans leurs regards. Les corps expriment parfois encore plus clairement que le mot, par ses mouvements, par les déplacements sur des rythmes variés. Souvent au théâtre le spectateur est tenté de concentrer son regard sur celui qui parle. Ce serait une erreur dans le théâtre de RAMBERT tant il met à contribution toute les capacités de ce dernier à refléter consciemment ou pas les élancement de l'esprit. Est-ce pour cela que l'auteur / metteur en scène à choisi de clore la pièce par l'intervention d'une gymnaste, avec son élégance, ses rubans, son ballon, son cerceau, ses massues. "La jeune gymnaste entrera et un peu de beauté retombera enfin sur le monde" dit Stan. Tout comme je n'avais pas été convaincue par l'apparition de la chorale dans la Cloture, je n'ai pas perçu toute la subtilité de cet interméde.

QUATRE COMEDIENS MAJEURS

Si Audrey BONNET et Sanislas NORDEY se connaissent parfaitement et maîtrisent complètement les codes du théâtre de RAMBERT, le passage du duo au quatuor est parfaitement réussi. Emmanuelle BEART apporte toute sa sensualité pour parler du désir. Denis PODALYDES apparaît comme la caution sérieuse, droite pour ne pas dire rigide du groupe. La symbiose s'est faite. L'échange, la communion sont là.

En Bref : un spectacle qui s'adresse aux amateurs de théâtre contemporain, qui ouvre la porte sur de nombreuses réflexions, secouant acteurs et spectateurs, ne laissant pas indifférent. Un spectacle d'un abord difficile mais qui enrichit. Quatres comédiens remarquables.

"Jeunes gens,
Reveillez-vous 
Levez-vous
Il faut recommencer le monde
L'Histoire non n'est pas morte
Elle va nous réveiller"
Pascal RAMBERT - Répétition

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Du 12 au 21 décembre 2015

41 Avenue des Grésillons - 92230 GENNEVILLIERS
Métro Gabriel Péri (si si, la banlieue c'est aussi accessible par le métro, alors pourquoi s'en privier !)

du 6 au 17 janvier 2015

Horaires à vérifier sur le site du T2G en cliquant ICI



Crédit photo @Marc DOMANGE

Vu le 14/01/15 au T2G

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